La plupart des organisations ont, par le passé, géré de manière négligente la gestion et la préservation des connaissances qu’elles avaient accumulées. Elles y ont accordé trop peu d’attention, ce qui a entraîné la perte fréquente des connaissances accumulées lorsque des employés partaient à la retraite ou changeaient de poste. Pourtant, l’importance de posséder des connaissances de haute qualité a augmenté de manière exponentielle depuis l’industrialisation, et ces connaissances sont principalement accumulées dans les têtes des employés. On s’attend donc à ce qu’une organisation moderne mette tout en œuvre pour maximiser la rétention des connaissances et fasse tout son possible pour que les connaissances présentes dans l’organisation génèrent des résultats optimaux.
La conservation et le partage des connaissances sont devenus encore plus importants avec l’adoption massive du travail hybride. Si nous voulons accomplir des tâches complexes, innover et co-créer, la collaboration au sein d’une équipe doit être optimale et de haute qualité. La force de la collaboration réside dans la combinaison des connaissances présentes au sein de l’équipe. Cela permet d’émerger de nouvelles idées, et c’est là la valeur ajoutée du travail créatif en équipe. Cependant, collaborer à distance rend beaucoup plus difficile le partage fluide de l’information. Nous avons tous expérimenté cela. L’exécution des tâches quotidiennes depuis le télétravail n’est en principe pas un problème. Toutefois, nous avons remarqué que l’échange d’informations lors de contacts en ligne manque souvent de profondeur. Nous réglons un ordre du jour, mais il y a peu de temps pour approfondir les sujets. De plus, il existe un problème lié à la fréquence des échanges de connaissances. Les contacts les plus intéressants se produisent en effet lors des échanges informels et fortuits. C’est pourquoi la machine à café dans un environnement de bureau a une grande importance. Cependant, en collaborant en ligne, cet aspect disparaît en grande partie. Nous rencontrons nos collègues beaucoup moins spontanément. Il n’y a plus de temps ou d’opportunité pour « bavarder » de manière informelle, ce qui entraînera une baisse de la qualité de nos échanges d’informations. La perte perceptible de profondeur et de fréquence dans ces échanges d’informations a également été confirmée par des recherches scientifiques récentes.
Étant donné que de nombreuses organisations sont aujourd’hui confrontées à un départ massif d’employés expérimentés et spécialisés, et qu’elles risquent de perdre des connaissances cruciales, la gestion des connaissances est prise de plus en plus au sérieux, ce qui constitue une évolution positive. Les organisations embauchent de plus en plus de gestionnaires de connaissances dont la mission est de coordonner et organiser la collecte, la conservation, la structuration et le partage des connaissances.
Cependant, il convient de tenir compte de deux types de connaissances. La connaissance explicite est en principe accessible à d’autres. Il s’agit de connaissances qui peuvent être documentées au sein de l’organisation dans des documents, des rapports, des wikis sur des serveurs, etc. Ce processus est devenu largement gérable grâce à la numérisation. Le risque de perdre des connaissances numériques est limité si nous mettons en place une structure solide et un système d’accès. Aujourd’hui, nous pouvons facilement mettre à disposition les bons outils, former les employés et définir des protocoles. En revanche, la connaissance implicite représente un problème bien plus important. Cette connaissance est enfouie dans les têtes des employés. Il est très difficile de décrire ou d’expliquer cette connaissance. Polanyi (1966) affirme à ce sujet que nous « savons plus que ce que nous pouvons raconter ». La connaissance implicite contribue également à l’action et est donc essentielle. Elle a été accumulée au fil des années grâce à l’expérience et n’est souvent nulle part documentée.
Le management des connaissances, qui était auparavant souvent abordé depuis le domaine de l’informatique en raison de son lien évident avec les technologies de l’information, connaît ces dernières années un déplacement vers les ressources humaines. Cela est logique, car les connaissances sont encore (pour l’instant) produites par des personnes, et il est de la responsabilité principale des RH de soutenir la productivité des individus au sein de l’organisation. Cette évolution illustre bien comment, dans nos entreprises, l’aspect humain devient de plus en plus important. En plus de promouvoir le bien-être, de sélectionner et d’attirer des talents, de soutenir le leadership et de proposer un environnement de travail sain et stimulant, la gestion des connaissances devient également une responsabilité de l’équipe RH. L’introduction d’un système de gestion des connaissances a un impact important sur le développement des compétences techniques des employés. Les RH doivent donc veiller à ce que l’organisation devienne une « organisation apprenante ». Cela représente un défi de taille, surtout avec l’essor du travail hybride.
Il existe un lien important entre le travail hybride et le partage des connaissances au sein de l’organisation. Le travail hybride comporte quatre composants clés qui doivent être équilibrés, et le partage des connaissances en fait partie en premier. Le deuxième composant est le travail indépendant du temps et du lieu. Comme mentionné plus haut, le télétravail excessif peut avoir un impact négatif sur le partage des connaissances au sein de l’organisation. Dans le cadre du travail hybride, il est donc essentiel de définir des accords clairs pour garantir la présence des équipes, travaillant ensemble sur le lieu de travail. Le troisième composant majeur est le leadership, qui, dans un environnement hybride, est surtout axé sur l’obtention de résultats et la confiance. Il revient aux dirigeants de soutenir et de coacher les équipes. L’activation du partage des connaissances, ainsi que la gestion des processus de partage et de rétention des connaissances, fait partie de leur mission. Le quatrième composant est l’environnement de travail dynamique, dans lequel le partage de connaissances implicites devrait être stimulé et soutenu.
Pourquoi venons-nous encore aujourd’hui dans un bureau physique ? Il est inutile de demander aux employés de se déplacer vers un bureau central dans une grande ville si ces activités peuvent parfaitement être réalisées à domicile ou dans un autre environnement de travail (le « third place working »).
Si nous souhaitons proposer un environnement de travail centralisé en tant qu’organisation, celui-ci sera principalement orienté vers le soutien de la collaboration et de l’échange de connaissances. L’environnement de travail moderne deviendra un hub où les membres de l’équipe se rencontrent, se réunissent, brainstorment, échangent des nouvelles, prennent un café, mangent, voire se détendent. Nous mettons tout en œuvre pour créer un espace d’accueil qui soutienne au mieux les rencontres physiques de nos équipes virtuelles, tout en servant de signal aux employés potentiels. L’accent doit être mis sur la flexibilité, l’épanouissement personnel et la liberté de choix. Nous sortons des schémas classiques des réunions formelles et proposons un environnement de travail qui encourage et facilite l’échange d’idées et les rencontres spontanées.
L’accent doit être mis sur la flexibilité, l’épanouissement personnel et la liberté de choix. Nous rompons avec le modèle classique des réunions formelles et proposons un environnement de travail qui encourage et facilite l’échange d’idées et les rencontres spontanées.
Aujourd’hui, le travail indépendant du lieu de travail fixe est devenu une réalité. Le bureau, en tant que seul endroit central où nous devons nous rendre pour accéder au réseau de l’entreprise, appartient au passé. Les études sur l’occupation des espaces de travail montrent que le taux moyen d’occupation dans nos environnements de bureau est d’environ 35 %. Ce taux est relativement bas, mais parfaitement explicable. Les gens travaillent davantage à temps partiel, ont souvent des réunions et travaillent systématiquement depuis chez eux. Dans l’environnement de travail moderne, nous devons donc surtout nous concentrer sur les outils (numériques) qui favorisent la collaboration à distance. Des outils qui soutiennent l’accès aux données, aux notes et à la documentation, et qui permettent aux utilisateurs de décider eux-mêmes où et comment ils souhaitent travailler. Des outils qui permettent de contacter les collègues de manière informelle et d’échanger des idées en temps réel.
Dans la pratique quotidienne, nous voyons de nombreuses organisations qui cherchent à se différencier par une stratégie spécifique : branding, gestion des compétences, stratégie commerciale, R&D, etc. Malgré leurs objectifs ambitieux, elles ont souvent, à travers les secteurs, des environnements de travail comparables et peu inspirants. Il y a encore trop peu d’organisations qui utilisent réellement leur environnement de travail comme la vector stratégique qu’il pourrait être : un environnement qui soutient la recherche d’une nouvelle culture organisationnelle, un environnement qui attire de jeunes candidats, un environnement qui est durable, un environnement qui favorise la collaboration et le partage des connaissances.