L’importance d’un bon équilibre pour le succès d’un environnement de travail

Lors d’une conférence, ou lors d’un cours sur la psychologie de l’utilisateur à l’université, j’ose parfois poser la question suivante à l’auditoire sur l’évolution de l’environnement de travail : Quel est l’environnement de travail le plus productif ? Immédiatement, il y a des murmures dans la salle, des gens qui se grattent la tête, qui commencent à discuter avec leurs voisins et qui pensent généralement que ce n’est pas une question simple. Il y a toujours quelqu’un qui lève la main, et puis il y a généralement un discours sur l’importance du bien-être dans l’environnement de travail, la qualité ergonomique de l’aménagement intérieur, la performance des outils informatiques par rapport au travail hybride, le besoin humain de lumière naturelle et de plantes vertes, la quête éternelle d’intimité et de confort au travail, etc.

Avec un sourire délicat, je montre ensuite l’image de rameurs sauvages peinant dans une galère romaine. Dans un premier temps, cette illustration suscite des regards surpris, des railleries et une certaine indignation. Cependant, la galère est un environnement de travail intéressant avec un rendement très élevé. Tous les employés font le même travail, tous ont le même objectif : ramer. À l’arrière, un homme robuste bat un grand tambour pour donner le rythme et motiver les troupes. En face, un coach de fitness diligent fournit la motivation nécessaire avec son fouet.

Bien sûr, il s’agit de conditions de travail terribles et dégradantes que nous ne pouvons pas imaginer aujourd’hui. Le sentiment de bien-être dans cet environnement de travail est tout simplement inexistant.  La gestion de l’organisation n’est pas du tout durable. Le seul objectif des rameurs est de propulser le navire, à tout prix. La productivité de l’équipe est élevée mais absolument pas en équilibre avec le bien-être des travailleurs. La galère illustre très bien comment, dans une organisation moderne, la recherche du bon équilibre entre le bien-être des employés et le rendement requis dans l’environnement de travail revêt une grande importance.

Ben-Hur (1959)

Nous partons généralement du principe qu’il existe une relation directe et linéaire entre le bien-être et les performances. Nous offrons à nos employés un nouvel environnement de travail amusant, ils deviennent tous « happy » et se mettent à travailler comme des fous. Bien sûr, ce n’est pas aussi simple que ça ! La recherche scientifique a montré que cette relation dépend du contenu que l’on donne au concept de « bien-être » : s’agit-il d’un bien-être au niveau individuel ou au niveau du groupe? Dans le cas du bien-être individuel, il existe des variables médiatrices actives telles que le besoin d’intimité, la récompense des bonnes performances, le niveau d’occupation, etc….. Comme il est difficile d’étudier cette relation dans des conditions contrôlées, on ne dispose pas encore suffisamment de données scientifiques pour faire des déclarations objectives. Nous devons donc être prudents avec cette hypothèse.

Cependant, si, dans l’organisation moderne, nous voulons utiliser notre environnement de travail comme un levier pour notre culture et notre stratégie, nous devons fournir un contexte dans lequel nos employés peuvent donner le meilleur d’eux-mêmes dans les meilleures conditions possibles. Aujourd’hui par exemple, certaines interventions telles que la mise à disposition de mobilier assis-debout sont une composante essentielle de notre stratégie de bien-être et une bonne illustration de ce principe. Nos employés changent de position assise tout au long de la journée, ce qui permet d’éviter les troubles physiques, d’offrir de la variété et d’optimiser le rendement.

De nombreuses organisations ont commencé à remettre en question leurs bureaux à la suite de la crise de Corona. C’est un réflexe nécessaire, sain et durable. Cependant, il est peut-être un peu trop facile de supposer que l’environnement de travail du futur ne sera utilisé que comme un lieu de rencontre branché. À l’avenir, tous les utilisateurs ne feront pas systématiquement leur travail de concentration exclusivement à domicile. Cela peut dépendre de leur profil ; certains profils, comme les experts, les avocats, etc., effectuent la majeure partie de leur travail avec un besoin de concentration et ont donc également besoin d’un environnement de travail calme au bureau. Les préférences personnelles des utilisateurs sont également importantes. Certaines personnes préféreront se rendre au bureau pour toute activité professionnelle. Ils ont besoin d’interaction sociale ou ils veulent séparer strictement le professionnel et la vie privé. Il n’est pas évident (et souvent pas approprié) de leur interdire de venir au bureau, bien que certaines organisations optent déjà pour une approche « remote first » et se profilent de cette manière sur le marché du travail.

Les recherches de Leesman ont montré que, dans le contexte actuel, certaines activités telles que la lecture de documents et la réflexion créative sont nettement mieux réalisées à domicile qu’au bureau. Si nous voulons offrir à nos employés un environnement de travail attrayant, qui les incitera à venir plus souvent au bureau, l’équilibre entre concentration et interaction est très important dans le nouvel environnement de travail. Ainsi, le nouveau concept de lieu de travail doit être suffisamment compartimenté et doit offrir un bon équilibre entre les zones calmes et bruyantes. Dans un environnement de travail optimal hybride (« activity based »), les utilisateurs recherchent un lieu de travail qui répond à leurs besoins et à leurs activités. Des recherches par l’université de Delft a montré que la qualité de l’infrastructure offerte est essentielle au succès du concept hybride. La variété des types de lieux de travail proposés a également un impact important. Il faut donc proposer un éventail de choix tels que des salles de réunion, des salles de brainstorming, des cockpits, des zones calmes, etc. Le mix des lieux de travail offert doit correspondre de manière optimale aux profils des utilisateurs.

Sous l’influence de l’augmentation du travail à domicile, nous constatons que de nombreux collègues veulent venir au travail pour se rencontrer, pour parler de leurs projets et des clients. L’accent y est souvent mis sur les réunions informelles, et nous constatons qu’un environnement avec un coffee corner agréable, accessible et bien équipé devient de plus en plus important. À l’avenir, nous aurons également besoin de salles de réunion hybrides beaucoup mieux équipées. Des salles de réunion plus petites avec une table placée de manière optimale devant un grand écran équipé d’une webcam et d’un microphone. Grâce à cet écran, les équipes peuvent très rapidement et facilement organiser des réunions hybrides avec plusieurs personnes.

Cependant, toutes les réunions ne doivent pas nécessairement se dérouler dans une salle fermée et réservée. Il est parfaitement possible d’organiser des réunions non confidentielles dans un environnement de projet ouvert. Une zone équipée d’un mobilier « lounge » attrayant permet aux utilisateurs d’organiser rapidement une discussion ouverte. Dans cette zone, nous trouvons également des tables pour collaborer sur des projets, des lieux d’atterrissage adaptés à un usage court, des tableaux blancs et des fauteuils destinés au discussions créatives et brainstorming. Il est essentiel de maintenir un équilibre intelligent entre le caractère informel d’un environnement de coworking et l’infrastructure de réunion formelle et réservable.

Pour avoir du succès, l’environnement de travail doit donc être de grande qualité et offrir des types de postes de travail correctes. Toutefois, cela ne suffit pas. Il y a encore un autre équilibre important à trouver : l’équilibre entre la qualité de l’environnement de travail et le comportement des utilisateurs. Un bel environnement de travail peut être complètement ruiné si les utilisateurs n’adaptent pas leur comportement. Ils commencent les réunions dans le bureau paysager, ils se promènent sans gêne au téléphone entre les postes de travail ou ils laissent leur matériel aux postes de travail flexibles « parce qu’ils y seront de toute façon le lendemain ». Pour parvenir à une coopération réussie dans l’environnement de travail basé sur l’activité, nous devons également modifier le comportement des utilisateurs, ce qui n’est souvent pas sans difficulté.

On nous dit souvent que les gens sont des créatures avec des habitudes et qu’ils ne veulent pas changer leur comportement, et parfois même qu’ils ne peuvent pas le changer. Il s’agit toutefois d’un mythe. À condition d’être correctement guidé dans un processus de changement, mais aussi en offrant un contexte qui soutiendra spontanément le comportement souhaité, nous pouvons quand même avoir un impact. Un exemple : Avez-vous l’intention de discuter bruyamment de votre week-end dans la bibliothèque publique locale ? Je ne pense pas. Dans le nouvel environnement de travail, offrons une salle tranquille qui a l’aspect d’une bibliothèque et où les employés peuvent se détendre parce que tout le monde est tranquille. Pour travailler tranquillement, on n’a pas forcément besoin d’un bureau individuel. Une salle tranquille peut être partagée par plusieurs personnes, à condition que les utilisateurs acceptent de ne pas y tenir de conversations téléphoniques ou de discussions informelles.

L’une des variables qui exerce une influence très importante sur la relation entre le bien-être des employés et la productivité est la maturité du leadership dans l’organisation. La crise Corona a obligé de nombreux dirigeants à expérimenter de nouvelles formes de leadership. Alors que dans le passé, il était facile de suivre et de contrôler les activités de l’équipe en raison de la proximité physique et de la visibilité. Le manager a dû s’adapter et apprendre à faire travailler l’équipe à distance.

De ce fait, il était nécessaire de développer de nouveaux rôles en plus du rôle de « manager », tels que le rôle du « coach », du « leader » et de « l’entrepreneur ». Les équipes qui travaillent ensemble à distance bénéficient d’une liberté beaucoup plus grande. Les employés planifient eux-mêmes leur journée et décident du moment où ils s’acquitteront de telle ou telle tâche. Le dirigeant doit devenir un facilitateur qui, sur la base de la confiance, guide l’équipe vers un rendement maximal. Dans ce cas, il est essentiel de maintenir un bon équilibre entre le contrôle et l’accompagnement.

Harvard Business Review a consacré un article aux différentes tensions dans l’organisation qui découlent du travail hybride et auxquelles le dirigeant doit pouvoir faire face. Les employés peuvent choisir leur lieu de travail, mais ils doivent rester joignables à tout moment. Ils se sentent isolés lorsqu’ils travaillent à domicile, mais sont inondés de communications. Les employés ont le choix de travailler à domicile mais, de ce fait, ils ont tendance à manquer des opportunités et des récompenses professionnelles. Diriger une équipe à distance est donc à nouveau un exercice d’équilibre constant.

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